La Maladie d'Alzheimer

1 Epidémiologie:

1.1 Epidémiologie de la maladie d’Alzheimer de la personne âgée :

La maladie d’Alzheimer, dont la prévalence est en augmentation, représente un réel problème de santé publique dans notre pays, comme dans la majorité des pays développés. La population des sujets de plus de 60 ans s’élève à 13.1 millions de Français en 2007 (21%), et pourrait représenter 35% de la population en 2050 (INSEE).

On recense environ 850 000 personnes atteintes de démence au-delà de 65 ans, dont 70% sont porteuses de la maladie d’Alzheimer, malgré de grandes difficultés à obtenir des chiffres précis et fiables. Cela représente une prévalence de 6% dans cette tranche d’âge. Il convient de ne pas oublier les quelques 32 000 personnes atteintes de la maladie avant 60 ans. Les femmes sont trois fois plus concernées que les hommes par la maladie. L’incidence de la maladie d’Alzheimer est de 2/1000 à 65/69 ans, et de 70/1000 vers 90 ans. On dénombre jusqu’à 225 000 nouveaux cas par an. Il existe un sous diagnostic, qui concerne près d’un cas sur deux. (Rapport INSERM)

La morbi-mortalité de la maladie diminue l’espérance de vie des patients, se situe à 8.3 ans pour une maladie déclarée à 65 ans, et 3.4 ans pour une maladie débutée à 90 ans (Etude longitudinale de Baltimore).

Il reste en outre difficile d’affirmer si la fréquence de la maladie a augmenté avec le temps, étant donné que les critères diagnostiques ainsi que les méthodes de dépistage ont beaucoup évolué et se sont affinées ces dernières années.

1.2 : Les aidants :

La maladie d’Alzheimer est considérée par certains comme une affection familiale touchant l’entourage du patient, et notamment la personne la plus proche, appelée « l’aidant familial ». Surtout si l’on prend en compte le fait que 60% des malades vivent à domicile. L’épidémiologie de cette maladie dépasse bien celle des patients seuls. Il convient de décrire ces aidants, qui sont directement impliqués dans la prise en charge, et qui souffrent aussi des conséquences de la pathologie.

Ce sont ainsi 3.7 millions de personnes concernées par la maladie, sachant qu’un aidant sur deux s’avère être l’époux du patient, et un tiers des aidants sont représentés par les enfants et leurs conjoints. Ceux-ci sont considérés comme aidants naturels. 21% des patients nécessitant une assistance sont aidés uniquement par des professionnels. (Rapport INSERM).

2 Facteurs de risque:

L’étude des facteurs de risque n’amène qu’à peu de certitudes. La grande majorité d’entre eux est controversée quant à son implication dans la maladie d’Alzheimer. Nous présenterons en premier les facteurs qui ont été le plus certainement impliqués, avant de décrire ceux qui doivent encore être étudiés.

2.1 L’âge et le sexe :

L’âge constitue un facteur de risque bien documenté de maladie d’Alzheimer, dont l’incidence double par tranche d’âge de 5 ans après 65 ans.

Le sexe féminin est également un facteur de risque, car on note une incidence supérieure chez les femmes au-delà de 80 ans, même si on ne peut écarter un biais lié à l’espérance de vie supérieure des femmes.

2.2 Les facteurs de risque cardiovasculaire :

L’hypertension artérielle semble selon certaines études être un facteur de risque de démence, tous types confondus. Selon d’autres études, un traitement antihypertenseur pourrait avoir des effets protecteurs (Staessen JA et al, Lancet, 1997). Il a par contre été évoqué une relation possible entre hypertension artérielle et dégénérescence neuro-fibrillaire (Ross G. W. et al, 1999).

D’autres facteurs de risque cardiovasculaire peuvent être impliqués, même si leur rôle n’a été directement prouvé que dans les démences de type vasculaire. Le taux de cholestérol total semble avoir une double influence : l’hypercholestérolémie est néfaste à l’âge adulte, et la baisse du taux de cholestérol est péjorative chez les personnes âgées (étude CAIDE). L’obésité à l’âge adulte est un facteur de risque (programme KAISER). De même, le diabète, les antécédents cardiovasculaires, le tabac, l’alcool en consommation excessive, ou encore le gène de l’Apo E sont évoqués comme facteurs de risque.

2.3 Les autres facteurs de risque :

Le niveau d’études : l’incidence de la maladie est deux fois supérieure pour une population dont le niveau d’étude est inférieur au « certificat d’étude » (PAQUID, Barberger Gateau et al, 2004). L’explication invoquée est l’hypothèse d’une « réserve cognitive » différente d’un patient à l’autre en fonction de son niveau d’étude (Mortimer et Graves). De même, une vie active semble accroître cette réserve cognitive et protéger les patients.

D’autres facteurs de risque pourraient être impliqués, mais les preuves de leur implication sont insuffisantes : un antécédent de syndrome dépressif, de traumatisme crânien, un traitement hormonal substitutif, une anémie, une carence vitaminique (B6, B9, B12, C, E), l’hyperhomocystéinémie .

Il a aussi été évoqué l’implication possible d’une alimentation pauvre en légumes, fruits, céréales, et graisses insaturées.

3 Physiopathologie :

3.1 : Les lésions cérébrales microscopiques :

La maladie d’Alzheimer se traduit par des lésions cérébrales de deux types : une accumulation intracellulaire de protéine Tau qui crée la dégénérescence neurofibrillaire, et un dépôt extracellulaire de peptide ß- amyloïde constituant les plaques amyloïdes ou plaques séniles.

Le peptide béta amyloïde se retrouve sous forme de dépôts focaux ou diffus, ou encore dans les vaisseaux. La protéine Tau se dépose dans les axones et les dendrites des neurones atteints. Une accumulation de peptide béta amyloïde entourant des axones atteints de pathologie neurofibrillaire constitue l’entité analysable en imagerie et connue sous le nom de plaque sénile.

La dégénérescence neurofibrillaire a deux types de tropisme : au niveau cortical, les zones entorhinale, hippocampique, et les aires associatives ; et au niveau sous cortical, les noyaux limbique du thalamus, basal de Meynert, du raphé, et le locus coeruleus. Les lésoins de dégénérescence neurofibrillaire progressent de la sorte : elles apparaissent dans la région enthorinale pour se propager dans le cortex hippocampique avant d’atteindre le néo cortex, selon la description anatomopathologique faite plus haut. Le peptide ß-amyloïde est quant à lui détecté sous forme de dépôts diffus au niveau des noyaux gris centraux et du cervelet, et sous ses deux formes dans le cortex cérébral.

La conséquence macroscopique de la maladie est une atrophie cérébrale liée à la mot neuronale.

3.2 Biochimie du peptide ß-amyloïde et de la protéine Tau :

Le précurseur de la protéine ß-amyloïde, ou APP, est un récepteur de surface et un facteur de croissance, véhiculée dans l'axone vers l'extrémité nerveuse et la synapse où elle joue un rôle important dans la plasticité neuronale et la neurotransmission. Cette molécule est anormalement clivée dans la maladie d’Alzheimer en protéine béta amyloïde, et l'altération de son métabolisme aboutit à des pertes synaptiques se traduisant par un dysfonctionnement précoce dans le cerveau des patients atteints de maladie d'Alzheimer. Une hyperphosphorylation de la protéine tau empêche celle-ci d'exercer son rôle de polymérisation et de stabilisation des microtubules du cytosquelette neuronal et dans le transport axonal, et cela entraîne la dégénérescence neuronale.

4 Diagnostic de la maladie d’Alzheimer:

4.1 Critères diagnostiques :


Les critères diagnostics utilisés pour affirmer la maladie ont évolué avec le temps. On retiendra actuellement les critères DSMA IV ou NINCDS-ADRDA (Annexe IX-1) comme référence, et les recommandations de l’HAS pour la démarche diagnostique (Annexe IX-2).

On la définit comme une atteinte de la mémoire épisodique authentifiée, associée à au moins un autre trouble des fonctions supérieures, que ce soit langage, praxies, gnosies, ou fonctions exécutives.

La mémoire épisodique est atteinte de façon marquée, avec perturbation des fonctions de mémorisation, et notamment de stockage des informations.

Sur le plan des fonctions supérieures, l’aphasie est plus ou moins précoce, principalement d’expression avec manque du mot et trouble de la dénomination. L’apraxie se présente sur les modes réflexif, avec difficulté à reproduire des gestes simples, mais aussi les modes idéomoteur, et idéatoire. On notera aussi des troubles visuo constructifs, des troubles de la pensée abstraite avec altération des capacités d’abstraction et de conceptualisation.

On note toutefois un respect des convenances sociales conservé jusqu’à un stade avancé, mais on remarquera que le patient évite de plus en plus les situations complexes.

En pratique, pour poser le diagnostic, on débutera le bilan par une consultation avec le patient accompagné, pour préciser les troubles et leur retentissement, faire une synthèse des antécédents du patient ainsi que de l’histoire de la maladie, consultation pendant laquelle on réalisera un examen clinique complet à la recherche de facteurs de risques, notamment cardiovasculaires, à la recherche de diagnostic différentiel, de déficits sensoriels, avant de procéder à des examens paracliniques.

Ils comprendront dans un premier temps les tests pour évaluation des fonctions cognitives avec le MMSE (Folstein et al, 1975, Annexe IX-3), et des tests permettant d’évaluer les perturbations des activités de la vie quotidienne avec les ADL et IADL, auxquels on peut ajouter la Geriatric Depression Scale (Annexe IX-4).

On réalisera en complément une biologie pour éliminer des causes curables avec hémogramme, ionogramme, TSH, glycémie, et de façon non systématique sérologie HIV et syphilis, et les dosages vitaminiques (folates, B12). Enfin une imagerie est nécessaire avec au mieux une IRM, sachant qu’un TDM peut convenir et qu’un TEP n’est pas recommandé.

C’est ensuite que devra se faire l’annonce de la maladie au cours d’une consultation dédiée.

4.2 Histoire naturelle de la maladie :

Pour certains auteurs, il existe une phase pré-démentielle de la maladie d’Alzheimer, chez des patients définis comme MCI (Mild Cognitive Impairment). Ces patients sont porteurs d’atteintes cognitives importantes pour leur âge et leur niveau éducatif, sans retentissement majeur sur les activités de leur vie quotidienne (Petersen et al., 1999). Toutefois, une perturbation de ces activités de la vie quotidienne peut apparaître lorsque s’installe un syndrome démentiel léger chez certains d’entre eux. Environ 10 à 15% des patients MCI développent une authentique maladie d’Alzheimer chaque année. Ce profil de patient est le plus directement concerné par notre travail.

L’histoire naturelle de la maladie comprend plusieurs étapes, qui suivent la classification fondée sur le MMSE (Folstein et al, 1975), des stades léger, modéré, modérément sévère, et sévère de la maladie. Elle semble être corrélée à la progression de la pathologie neurofibrillaire. En effet, les troubles de la mémoire correspondent à l’atteinte hippocampique et précèdent le syndrome aphaso-apraxo-agnosique correspondant à l’atteinte néo corticale. Le peptide béta-amyloïde est moins bien corrélé aux symptômes cliniques, et semble même présent dans des cerveaux sains.

Le stade léger verra s’ajouter à l’atteinte mnésique une perte des fonctions instrumentales. Au stade modéré, les déficits s’aggraveront, l’aphasie apparaîtra, et les difficultés à réaliser les activités de la vie quotidienne se majoreront. Au stade sévère, la dépendance va s’aggraver, les troubles du comportement et du sommeil vont prendre de l’importance.

A tous les stades pourront être présentes certaines complications comme la dénutrition, les troubles psychocomportementaux, et les troubles de la marche et de l’équilibre.

4.3 : Complications :

Sur le plan somatique, il existe aussi des modifications pathologiques, avec perte de poids souvent précoce, responsable de dénutrition, troubles de l’équilibre, diminution des performances motrices, mais aussi une incontinence, un risque accru de crises comitiales.

Il peut exister à tous les stades des troubles psycho-comportementaux tels que l’apathie, la dépression, l’insomnie, l’anxiété, une hyper activité et une agitation, des symptômes psychotiques (délires et hallucinations).

Les complications que l’on peut prévenir le plus directement sont les chutes et d’infections, urinaires et pulmonaires, qui impactent directement et à court terme l’espérance de vie des malades.

Mais les complications de la maladie touchent aussi l’entourage familial, au premier rang desquels les aidants familiaux, qui sont exposés à un épuisement physique et psychologique, voire à une dépression. L’épuisement physique et moral de l’aidant peut donc être considéré comme une complication à part entière.

Une des complications sous estimées est représentée par les accidents de la voie publique et les accidents domestiques, mal étudiés dans la population des personnes âgées vivant à domicile et atteintes de la maladie d’Alzheimer. Il convient tout de même de les citer.

5 Traitement :

Actuellement, la prise en charge thérapeutique est pharmacologique, mais surtout non pharmacologique.

5.1 Traitement pharmacologique :

Le traitement pharmacologique n’est pas curatif et comporte deux classes médicamenteuses (Référence HAS, Annexe IX-5).

Les seuls traitements dont nous disposons sont donc symptomatiques. La première classe, celle des antocholinestérasiques, regroupe le donézépil, la rivastigmine, et la galantamine. Ils sont indiqués dans les stades légers à modérément sévères. La deuxième, représentée par la mémantine, est la classe des anti-glutamatergiques. Elle a un effet potentialisateur des anticholinestérasiques, et sont indiqués dans les stades modérés à sévères.

Ils ont montré une certaine efficacité sur la détérioration cognitive, le niveau fonctionnel, l’impression clinique globale, et modérément sur les troubles du comportement. En l’état actuel des connaissances, l’HAS ne reconnaît pas d’intérêt à une bithérapie. Malgré une AMSR mineure, l’HAS recommande leur utilisation. L’arrêt des traitements est fonction du rapport bénéfice risque pour le patient.

Des traitements psychotropes peuvent, après élimination de causes organiques, et pour la durée la plus courte, être utilisés. On emploiera alors les neuroleptiques de dernière génération. Les antidépresseurs type IRS peuvent être employés, dans le cadre d’un diagnostic assuré.

5.2 : Traitement non pharmacologique :

Le traitement non pharmacologique regroupe des techniques très variées, cherchant à agir sur les différentes composantes de la maladie (Référence HAS, Annexe IX-5). La majorité de ces thérapies sont controversées quant à leur efficacité.

On trouve aussi des thérapies psychosociales, par exemple de réminiscence, ou encore des thérapies sensorielles type musicothérapie et des thérapies motrices type entraînement moteur.

L’orthophonie est recommandée par l’HAS dans le cadre d’une aphasie ou de troubles de la déglutition. Les thérapies de stimulation cognitive peuvent être conseillés pour des stades peu évolués.

Il existe aussi des interventions envisageables pour les aidants, avec des groupes de soutien, ou des prises en charge plus spécifiques en cas de souffrance psychologique bien identifiée.

5.3 : Les aides humaines et financières :

La « raréfaction » des aidants naturels va voir se développer le recours à des professionnels. Des société privées offrent leurs services, sous des formes aussi diverses que des aides soignantes, gardes malades, aides ménagères, ou portage de repas.

Les aides financières sont disponibles, par exemple après évaluation par le Conseil Général avec obtention d’une Allocation Personnalisée d’Autonomie. De même les caisses d’allocations familiales permettent d’obtenir une aide personnalisée au logement. Il existe aussi une prise en charge au titre des affections de longue durée, et la possible obtention d’une carte d’invalidité. Enfin, les CODERPA (Comité Départemental des Retraites et Personnes Agées) permettent d’orienter les familles vers les financements ou les associations compétentes.

Enfin, il existe des mesures de protection juridique des malades, avec curatelle, sauvegarde de justice, voire tutelle en fonction des cas ou du stade de la maladie.

6 Plan Alzheimer :

Le Plan Alzheimer 2008/2012 s’inscrit dans la continuité des deux plans précédents, qui ont permis depuis 2001 de grands progrès dans le domaine de cette maladie.

En effet, la prise de conscience de son importance est réelle, et des structures concrètes de prise en charge et d’accueil ont pu être instaurées. Le plan Alzheimer 2008/2012 développe trois axes, qui sont : améliorer la qualité de vie des malades et des aidants, connaître pour agir, et se mobiliser pour un enjeu de société.

Notre travail s’inscrit dans la dynamique de ce plan et notamment de l’objectif trois, mesure numéro sept : « amélioration du soutien à domicile grâce aux nouvelles technologies ».